Le KL Flossenbürg est souvent qualifié de camp « oublié », car si près de 6 000 Français, dont plus de 900 femmes y ont été détenus, sans compter des milliers d’autres évacués de Buchenwald en avril 1945 et qui n’ont pas été immatriculés, aucun transport direct n’est organisé au départ de France vers ce KL. En effet, tous ont séjourné dans d’autres camps ou dans des prisons du Reich avant d’être transférés à Flossenbürg.



Dès avril 1938, un Kommando venu du KL Dachau commence l’édification du camp situé à 800 mètres d’altitude au cœur d’une forêt, dans l’Oberpfalz (Haut-Palatinat bavarois), près de la frontière tchèque et loin de toute grande ville. Le premier occupant fut un Allemand immatriculé 1 le 3 mai 1938. Initialement conçu pour accueillir 1600 détenus, une première extension porte sa capacité à 3 000, une seconde à 4 000, alors que fin 1944-début 1945 la population atteint 15 000 hommes. Et, si près de 100 000 détenus sont passés à Flossenbürg, peu ont finalement séjourné au camp central en raison de la prolifération de Kommandos extérieurs, souvent très lointains : 95 Kommandos, dont 69 en Allemagne et 26 en Tchécoslovaquie. Ceux d’Hersbruck et de Leitmeritz comptent plus de 10 000 déportés, alors qu’une multitude de petits camps accueillent une centaine de détenus. Le travail imposé tourne toujours autour de deux grands axes : d’une part l’industrie de l’armement, et en particulier de l’aéronautique avec des usines Messerchmitt, et d’autre part les travaux du sol dans les carrières de granit, le forage de tunnels et d’usines souterraines.

 

 

 

On estime à 5 344, dont 965 femmes, le nombre de Français passés par ce camp avant avril 1945. Le cas des femmes est à considérer à part, car elles n’apparaissent dans les registres d’immatriculation de Flossenbürg qu’à partir du 1er septembre 1944, quand certains Kommandos du KL Ravensbrück sont rattachés administrativement à Flossenbürg. Mis à part quelques exceptions, comme trois Françaises pendues le 13 avril 1945 pour sabotage, elles n’entrent jamais au camp central. Au contraire, parmi les 4 475 hommes recensés comme étant passés par ce KL ou ses Kommandos, au moins 2 400 sont décédés, soit 53 %. La grande majorité des détenus provient de convois arrivés des KL Buchenwald, en février et mai 1944, et Dachau, en juillet et août 1944 ; transports qui représentent à eux seuls 60 % des entrées.

La majorité des autres sont des détenus « Nacht und Nebel » partis de France occupée (en particulier du Nord-Pas-de-Calais) et transférés des prisons de la région de Nuremberg au KL Flossenbürg après l’abrogation de la procédure « NN » en septembre 1944. On note aussi l’immatriculation de près de 500 Français arrêtés sur le territoire du Reich. En outre, en avril 1945, des milliers de déportés évacués d’autres camps, en particulier de Buchenwald, arrivent à Flossenbürg, entre deux « marches de la mort », sans y être immatriculés.
C’est dans les Kommandos de Hersbruck, de Johanngeorgenstadt et de Leitmeritz que les taux de décès sont les plus importants parmi les Français avec respectivement 74, 59 et 55 %. Il faut enfin citer le cas particulier du château d’Eisenberg, rattaché officiellement au KL Flossenbürg et où sont envoyés quelques 250 Français qualifiés de « personnalités-otages ». Certains déportés de Dachau et de Buchenwald sont, semble-t-il, transférés directement vers les Kommandos de Hersbruck, de Flöha et de Terezin sans passer par Flossenbürg.

Le 20 avril 1945, alors que les troupes alliées approchent, le camp est évacué en quatre colonnes qui comprennent au total 14 800 détenus, dont l’une atteint Dachau. Lors de marches forcées d’environ 80 km, 7 000 périssent alors que les survivants sont libérés le 23 avril 1945 sur la route de Cham par une colonne blindée américaine, tandis qu’une autre libérait le camp lui-même le même jour.

Robert Deneri
extraits du livre mémorial-2004 -tome 1

Bulletin mémoire vivante n°36 de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation

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